Les géotopes sont des « portions de la géosphère délimitées dans l'espace et d'une importance géologique, géomorphologique ou géotectonique particulière. Ils sont des témoins importants de l'histoire de la Terre et donnent un aperçu de l'évolution du paysage et du climat » (Strasser, A. et al. 1995).  

Sur base de la consultation des géologues ayant déjà travaillé dans la région et des communautés locales, dans le cadre du projet Kivu Geoheritage, nous avons déjà inventorié plus de 20 géosites à forte potentialité géotouristique et présentant un intérêt scientifique, éducatif, culturel ou historique particulier. Certains sites ont déjà fait l’objet de description sur terrain et sont inclus dans notre catalogue des géosites. Ces données sont progressivement mises à jour. Nous avons identifié deux types de géotopes dans la région du Kivu: les géotopes naturels et les géotopes anthropiques. Dans la catégorie des géotopes naturels, nous avons des géotopes actifs comme les géotopes hydrologiques et hydrogéologiques ainsi que les géotopes passifs comme les géotopes minéralogiques, géochimiques pétrographiques , métallogéniques, structuraux, sédimentologiques, stratigraphiques, paléontologiques, géomorphologiques, volcaniques et karstiques. Les géotopes anthropiques sont représentés par les mines,  carrières, gravières,  zones d’érosion  des sols, glissement de terrain, etc. Ce tableau présente la typologie, les perspectives et orientations pour la valorisation des quelques géotopes potentiels dans la région du Kivu (RDC).

Les géohéritage de la région du Kivu renferment des ressources minérales, énergétiques, et hydrogéologiques qui sont nécessaire au développement économique de la région. Ce géohéritage constitue également un moteur du développement du géotourisme et peut contribuer aux développements des emplois verts. Le géotourisme peut contribuer au développement local à travers des services de transport, logement, restauration, etc. La valeur économique des géohéritages peut également être liée aux ressources du milieu. Par exemple, les sites miniers abandonnées par la SOMINKI dans la région du Kivu ont par la suite été exploités par les artisanaux pour la recherche de l’Or, Sn, etc. Des ressources énergétiques telles que le gaz méthane contenu dans le Lac Kivu constitue des héritages liés au contexte géologique de la région.

Le géohéritage de la région du Kivu est exceptionnel en beauté et constitue une source d’inspiration pour les artistes. Par ailleurs, la culture des communautés vivant dans la région est liée à l’héritage géologique. Par exemple, Il existe un lien entre les ressources géologiques disponibles et le mode de construction; certaines histoires, poème, traditions, sont liés au paysage local. Les géosites peuvent constituer des endroits privilégiés pour les excursions et d’autres activités de recréation telles que le campement ou des randonnées. Par ailleurs des activités à l’air libre qui sont réalisées dans les géosites sont bénéfiques pour la santé mentale et physique. Certains géosites peuvent nous renseigner sur l’impact des activités humaines passées sur notre environnement. A titre illustratif, les activités humaines telles que l’exploitation minière ou l’exploitation des matériaux de construction ont laissé leurs empreintes dans le paysage du Kivu.

La géodiversité fait référence à la variété des éléments géologiques et physiques de la nature, tels que les minéraux, les roches, les sols, les fossiles et les formes de relief, ainsi que les processus géologiques et géomorphologiques actifs. Avec la biodiversité, la géodiversité constitue la diversité naturelle de la planète Terre. La Convention du patrimoine mondial de l'UNESCO de 1972 a reconnu l'importance de la géodiversité dès le début de ses travaux et est l'instrument mondial le plus ancien pour la conservation de la géodiversité. 

La géologie fait partie du «capital naturel» de la planète, le stock d'actifs naturels mondiaux. Ces atouts procurent de nombreux avantages à la société, souvent appelés «services écosystémiques». Cependant, traditionnellement, ceux-ci se sont principalement concentrés sur les services biotiques et ont sous-évalué les services abiotiques ou «services géosystémiques». Ces «services géosystémiques» sont issus de la géodiversité de la planète (Gray, 2019). Parmi ces services on peut noter les services de régulation, les services de soutien, les services culturels, les services d'approvisionnement et les services de connaissance qui soulignent l'importance de la géologie dans la fourniture des preuves de l'évolution de la planète et de ses systèmes vivants. D'où l'importance de la conservation de la géodiversité. Il est du devoir des communautés locales de s'approprier leur patrimoine géologique en le protégeant, en le promouvant et, ce faisant, d'en tirer un avantage économique durable. Cependant, à l’heure actuelle, peu d’efforts sont mis en œuvre pour la conservation et la promotion de la géodiversité comparativement à la biodiversité dans la région du Kivu.  Pourtant, la géologie du Kivu est complexe et renferme une grande partie de l’histoire de la terre allant du précambrien à l’actuel. Elle nous renseigne sur la géodynamique interne et externe du globe terrestre. La géologie du Kivu renferme la particularité de couvrir tous ces aspects. Cette région est particulièrement connue pour ses ressources minérales qui sont forts médiatisées mais au-delà de ces ressources, d’aucuns est émerveillée par la beauté et la complexité naturelle des phénomènes qui se déroulent dans cette région: du volcanisme actif à l’hydrothermalisme, des émanations des gaz, métamorphisme, déformation cassante et ductile, altération, etc. De ce fait, la géodiversité de la Région du Kivu est riche en héritage. En tenant en compte le paysage, le type de roche, la structure géologique, la géomorphologie, etc. nous trouvons que chaque site est unique. Plusieurs éléments peuvent alors être le résultat de cet héritage. C’est le cas notamment des sédiments, des éléments minéraux, des roches, des ressources énergétiques, des fossiles, des sources hydrothermales, des mines, des karsts, des montagnes, des sols, des volcans, etc. Les risques naturels tels que les séismes, le volcanisme ou les mouvements de masse qui sont enregistrées dans cette région font partie de cet héritage géologique.

Référence

Murray Gray,Geodiversity, geoheritage and geoconservation for society, International Journal of Geoheritage and Parks,Volume 7, Issue 4, 2019,Pages 226-236,ISSN 2577-4441, https://doi.org/10.1016/j.ijgeop.2019.11.001.(https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2577444119300565 )

http://bege-rdc.e-monsite.com/blog/publications-du-bege-rdc/geoheritage-et-risques-associes-au-contexte-de-rifting-dans-la-region-du-kivu.html#:~:text=La%20r%C3%A9gion%20du%20Kivu%20est,sont%20provoqu%C3%A9s%20par%20ces%20s%C3%A9ismes.

L’héritage géologique de la région du Kivu (R.D. Congo) comprend des traits géologiques, des paysages et des structures de terrain qui sont caractéristiques de la région. La plus part de ces structures se sont développées à travers des processus géologiques qui ont duré plusieurs millions d’années et sont non renouvelables. Par ailleurs, cet héritage est essentiel sur le plan scientifique et éducatif du fait qu’il constitue des laboratoires naturels pour l’étude des phénomènes qui ont façonné notre globe terrestre, sur le plan économique du fait que des nombreuses ressources que nous utilisons sont issues de cet héritage et il peut être valorisé dans le domaine de géotourisme, sur le plan culturel et esthétique. Il peut constituer une source d’inspiration pour les artistes. Cet héritage peut nous aider à comprendre les processus qui ont conduits à sa mise en place. Il est donc essentiel que cet héritage géologique soit conservé pour les générations futures. 

Dans la région du Kivu, certains sites géologiques ayant une importance touristique et éducatifs sont menacés par les activités anthropiques. C’est le cas notamment du Mont Goma qui est menacé par des constructions anarchiques. Les activités d’exploitation des matériaux de construction peuvent conduire également à la détérioration des reliefs volcaniques dans cette région. A titre illustratif, l’exploitation illégale des matériaux de construction au site du Lac vert constitue une menace permenante pour ce site géotouristique.

Les géosites de la région du Kivu constituent des terrains privilégiés pour apprendre des notions relatives aux géosciences à travers des observations, expérimentations et exploration. Ces sites géologiques nous permettent de comprendre les processus qui ont façonné le globe terrestre à l’échelle de temps géologique, comprendre la dynamique terrestre et appliquer ces connaissances pour résoudre des problèmes actuels tels que ceux liés au changement climatique ou aux risques naturels. Ces processus sont décrits et interprètés par les chercheurs des universités et de centre de recherche dans la région. Le musée géologique de Bukavu renferme des collections des roches, des minéraux et des fossiles qui sont nécessaire dans la rééducation et pour comprendre les ressources de la région. Les sites géologiques de la région du Kivu constituent des terrains privilégiés pour les études de terrain du fait qu’ils couvrent une variété des sujets allant des risques naturelles, les ressources naturelles, l’histoire de la terre, la géodynamique interne et externe, etc. Ces géosites peuvent permettre d’expliquer l’évolution de notre environnement, les géoressources ainsi que l’évolution de la terre et de la vie.

Il existe un lien entre la biodiversité et la géodiversité du fait qu’il y a une interaction entre la géosphère, l’hydrosphère, l’atmosphère et la biosphère. Le géohéritage constitue le soubassement sur lequel évoluent les être vivant. Il peut nous renseigner sur l’évolution de la vie à travers les fossiles qu’il renferme. Certains géosites de la région du Kivu renferment une biodiversité exceptionnelle en termes de la faune et de la flore. C’est le cas des massifs montagneux de Virunga et de Kahuzi-Biega qui constituent des habitats de certaines espèces menacées telles que le Gorille de montagne.La région du Kivu fait partie du Rift Albertin où 41 espèces d'oiseaux sont endémiques. Cette région comprend un ensemble des lacs dits de fossé d’effondrement. Ces lacs constituent un héritage associé au rifting dans cette région. C’est le cas notamment du Lac Kivu et du Lac Tanganyika qui est le deuxième lac le plus profond au monde après le lac Baikal. Ces lacs sont riches en ressources halieutiques et ont une biodiversité exceptionnelle.  A ce titre, les lacs Kivu et Edouard font partie de l’écorégion du lac Victoria, avec des genres endémiques de Cichlidae, Clariidae et Poeciliidae. Le lac Tanganyika fait partie de l’écorégion aquatique du Lac Tanganyika avec 22 genres endémiques de Cichlidae et 8 genres endémiques dans les Clariidae, Claroteidae, Clupeidae, Cyprinidae et Poeciliidae.